Description
Hughes Kolp, guitare à 10 cordes – Magali Rischette, guitare à 6 cordes – Adrien Brogna, guitare à 8 cordes
Dans CORPUS, Magali Rischette, Hughes Kolp et Adrien Brogna apportent au répertoire du trio de guitares leurs arrangements d’œuvres de Granados, Albéniz, de Falla et Turina. Le lien privilégié qui unit la guitare à l’Espagne est d’une telle intensité qu’il confère à l’adaptation pour trois guitares de ces œuvres conçues à l’origine pour le piano ou pour l’orchestre un étonnant caractère d’authenticité. L’Espagne apparaît dans sa diversité et dans sa splendeur tout au long des neuf compositions constituant CORPUS. C’est une farruca trépidante, une jota animée et un rythme de zortziko qui se transforment sous la plume de Turina en trois Danzas fantásticas, c’est la prière du torero du même Turina, c’est l’impressionnante description que nous offre Albéniz d’une procession religieuse à Séville…
> Soulignons l’action déterminante du compositeur et musicologue Felipe Pedrell dans la prise de conscience d’un patrimoine musical qu’allaient exploiter avec ferveur ces quatre compositeurs. Pedrell saisit aussi l’importance de la démarche du guitariste Francisco Tárrega lorsqu’il écrit en 1915 : « il a fait d’un instrument dont les ressources semblent si pauvres en apparence, un des instruments les plus expressifs qui soient en musique ».
On peut pourtant se demander à quelle guitare Manuel de Falla fait allusion, en 1933, dans son prologue au 3ème volume de l’Escuela razonada de la guitarra d’Emilio Pujol ? Il y évoque un « instrument admirable, aussi sobre que riche, qui avec rudesse ou avec douceur sait subjuguer l’esprit, et dans lequel, le temps aidant, sont venus se concentrer, comme un riche héritage, toutes les valeurs essentielles des nobles instruments de jadis sans nuire en rien au propre caractère dû, de par son origine, au peuple même. » (1) De Falla se réfère-t-il à la guitare révolutionnaire du luthier Antonio de Torres ou à l’instrument de rue, accompagnateur du chant et de la danse « qui a toujours occupé une place de prédilection dans l’espace sonore du foyer hispanique » ? Cela semble aujourd’hui une évidence, ni la guitare dite « classique » – entendons sa facture et sa technique – ni la connaissance que ces compositeurs en avaient n’auraient pu, à l’époque, conjuguer leurs efforts de manière à réaliser une véritable fusion entre instrument national et expression nationaliste savante. Faute de répertoire consistant, les guitaristes écrivent eux-mêmes pour leur instrument ou arrangent les œuvres classiques en vogue. C’est ainsi que Tárrega réalise plus de 200 transcriptions dont six pièces pour piano de son ami Albéniz. Miguel Llobet, l’un des disciples de Tárrega, adapte pour sa guitare plusieurs compositions pour piano de Granados et d’Albéniz. Compositeurs et guitaristes se connaissent. Granados fréquente le lieu-dit « la vaqueria » à Barcelone où se produisent Tárrega, Llobet, Pujol et plus tard Segovia.
A ce stade de son histoire, la guitare « moderne » fait ses timides débuts sur la scène classique. En 1920, Manuel de Falla compose son unique pièce originale pour la guitare, un Homenaje « Pour le tombeau de Claude Debussy ». (2) Miguel Llobet, dédicataire de la pièce, la met immédiatement au programme des concerts qu’il donne à travers l’Europe et l’Amérique du Sud mais c’est une harpiste, Marie-Louise Casadesus-Beetz, qui en assure la création à Paris le 24 janvier 1921 ! L’Homenaje est finalement joué – à la guitare – à Paris, par Emilio Pujol, le 2 décembre 1922.
Joaquín Turina termine, lui, en novembre 1923 sa première composition pour guitare, une Fantasía intitulée Sevillana, elle est dédiée à Segovia qui en donne la création à Madrid un mois plus tard. Le 7 avril 1924, Albert Roussel, Joaquin Nin, Paul Dukas et Manuel de Falla assistent, dans la loge de Madame Debussy, aux débuts parisiens d’Andrés Segovia dans la prestigieuse Salle du Conservatoire. Au programme de son récital figure une courte pièce d’Albert Roussel malicieusement intitulée Segovia…
Françoise-Emmanuelle Denis
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(1) Escuela razonada de la guitarra, libro 3°, Ricordi americana, Buenos Aires, 1954. Basada en los principios de la técnica de Tárrega. A la memória de Francisco Tárrega, fénix espiritual de la guitarra. Homenaje de gratitud y admiración.
(2) La partition de cet Homenaje para guitarra est publiée, en décembre 1920, dans une édition spéciale de La Revue musicale. Son directeur, Henri Prunières, y réunit sous le titre de « Tombeau de Claude Debussy » une dizaine de pièces signées Dukas, Roussel, Malipiero, Goossens, Bartók, Schmitt, de Falla, Ravel, Satie et Stravinsky ainsi que des articles rédigés par Ravel, Satie, Bartók, Stravinsky et de Falla. L’illustration de la couverture est confiée à Raoul Dufy. Manuel de Falla réalise par la suite une version pour orchestre de cet Homenaje, elle est sous-titrée Elegía de la guitarra et dédiée à Claude Debussy.
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